Comment le levier émotionnel peut-il être vecteur de respect de l’altérité ?
Dans nos ateliers d’animation sur les questions de biodiversité, nous observons régulièrement cette scène : un enfant découvre un monde et des phénomènes insoupçonnés, comme l’insecte qui se transforme à l’image de la cétoine de l’épisode “L’Immeuble Chandelle”.
Cette alchimie entre conte et connaissance scientifique révèle une complémentarité profonde entre deux approches du monde, l’une rationnelle, l’autre sensible.
Quand la science enchante le monde
La science nous offre une grille de lecture rigoureuse de la biodiversité. Elle nous révèle les mécanismes complexes qui régissent les écosystèmes, les cycles de vie des espèces, les liens d’interdépendance qui unissent tous les êtres. Cette approche rationnelle constitue un socle indispensable à notre compréhension du monde.
Le conte, lui, puise dans l’imaginaire et le symbolique. Il transforme les données en récits, permet d’incarner des concepts abstraits, insuffle de l’émotion aux phénomènes naturels. Loin de s’opposer à la rigueur scientifique, cette approche sensible la nourrit et l’enrichit.
Face à la crise écologique que nous traversons, cette complémentarité nous semble essentielle. Nous avons besoin de nouveaux récits collectifs qui nous reconnectent au vivant, qui transforment notre rapport au monde par l’émerveillement plutôt que par la peur. Le conte offre cette voie d’enchantement, cette possibilité de renouer contact avec la connaissance scientifique qui fait sens et qui est proche de nous .
Le conte : un récit à hauteur d’enfant
Pourquoi les contes résonnent-ils si tout particulièrement chez les enfants ? Leur forme narrative épouse parfaitement leur mode de compréhension du monde. Les personnages auxquels ils peuvent s’identifier, les histoires aux structures simples et aux enjeux clairs créent un pont entre leur univers quotidien et l’histoire.
Nos contes s’ancrent dans un savoir scientifique rigoureux. Chaque détail narratif repose sur des données vérifiées, chaque péripétie illustre un phénomène naturel réel. Cette démarche permet aux enfants d’appréhender des concepts qui pourraient paraître abstraits : la pollinisation devient une forme d’entraide et de collaboration, la chaîne alimentaire se transforme en réseau de relations.
Cette approche narrative sort la science de l’abstraction pour la rendre tangible, proche, accessible à tous sans jamais sous-estimer l’intelligence des enfants. Elle cultive leur curiosité naturelle tout en leur offrant des clés de compréhension solides du monde qui les entoure.
Les émotions : une porte d’entrée vers le respect de l’altérité
Les neurosciences nous le confirment : nous apprenons mieux quand nous sommes touchés émotionnellement. L’émotion fixe la mémoire, créé des liens durables entre les connaissances et notre vécu personnel. C’est précisément cette force que nous mobilisons dans nos histoires sonores.
Quand nos personnages expriment leurs joies, leurs peurs, leurs découvertes, ils offrent aux enfants des portes d’entrée émotionnelles dans l’histoire. Cette identification développe naturellement l’empathie, cette capacité à se mettre à la place de l’autre, qu’il soit humain ou non-humain. L’enfant qui ressent l’empressement de la fauvette à se nourrir pour préparer sa migration comprend intuitivement l’enjeu associé à la survie de son espèce.
Les émotions des personnages révèlent aussi les relations qui se tissent entre les différentes espèces. Elles donnent à voir les liens de coopération, de dépendance mutuelle, ou de compétition qui caractérisent les écosystèmes. Par cette approche sensible, les enfants découvrent que chaque être vivant a sa place, son rôle, sa légitimité.
Cette transmission du respect de l’altérité s’opère par la suggestion plutôt que par la morale. Le récit sème des graines de compréhension et de bienveillance envers le Vivant sans jamais culpabiliser ni imposer. Il cultive une transformation enthousiaste des regards et des comportements, enracinée dans l’émerveillement et la connexion authentique au vivant.
À travers nos contes, nous tissons des liens entre science et imaginaire, entre connaissance et émotion, entre les enfants et le vivant. Cette approche s’appuie sur notre conviction : donner une voix aux espèces silencieuses, c’est ouvrir des imaginaires qui transforment durablement notre rapport au monde.
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